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Le régime juridique du remboursement de la somme forfaitaire par les policiers ayant décidé de rompre leur engagement de servir est fixé par l’article 9 du décret du 9 mai 1995 fixant les dispositions communes applicables aux fonctionnaires actifs des services de la police nationale[1]et précisé par un arrêté d’application du 5 février 1997.

Au titre de l’article 9 de ce décret précité: “La nomination en qualité d’élève dans un corps des services actifs de la police nationale est subordonnée à la souscription de l’engagement préalable de rester au service de l’Etat pendant une période de quatre ans à compter de la titularisation si la durée de la formation initiale est inférieure ou égale à un an, de cinq ans si cette durée est supérieure à un an et inférieure à deux ans, de sept ans si la durée de la formation initiale est égale ou supérieure à deux ans. L’élève ou l’ancien élève qui, pour toute autre cause que l’inaptitude physique, met fin à sa scolarité plus de trois mois après son admission ou qui rompt son engagement doit reverser au Trésor une somme forfaitaire fixée par arrêté du ministre de l’intérieur dont le montant ne peut dépasser le montant cumulé du traitement perçu en qualité d’élève, de l’indemnité de résidence et des frais d’études. En cas de difficultés personnelles graves, il peut être dispensé en tout ou partie de cette obligation”.

L’arrêté du 5 février 1997 précisant ces dispositions prévoit un système dégressif en fonction du nombre d’années de service accomplies (par exemple, 100% la 1ère année, 50% la 3ème année, 0% la 5ème année, pour les fonctionnaires du corps des agents de maîtrise et d’application de la police nationale). 

L’article 6 du décret prévoit toutefois que « les années de service accomplies ultérieurement dans un autre corps de la fonction publique de l’Etat sont prises en compte dans le calcul des années restant à accomplir, au titre de l’obligation de servir l’Etat mentionnée à l’article 9 du décret n° 95-654 du 9 mai 1995 susvisé. »

Sur ce point, la juridiction administrative a été amenée à se prononcer sur la forme de l’engagement de servir l’Etat (et donc pas seulement au sein de la police nationale) concernant ces dispositions. Elle a jugé que les années en qualité d’agent non titulaire n’étaient pas prises en compte dans le calcul des années restant à courir au titre de l’engagement de servir et donc du remboursement des frais de scolarité[2].

De même, elle a considéré que ne vaut pas engagement de servir, au sens de l’article 9 du décret précité, un simple accusé de réception de convocation à l’Ecole nationale de police valant acceptation du bénéfice du concours de gardien de la paix, même si cette convocation indique que la nomination en qualité d’élève gardien de la paix reste subordonnée à la souscription de l’engagement préalable de rester au service de l’Etat, pendant une période de quatre ans à compter de la titularisation et qu’en cas de rupture de contrat après trois mois de scolarité elle sera dans l’obligation de reverser au trésor public une somme forfaitaire[3]. Dès lors, la Cour avait annulé le titre de perception au titre du remboursement des frais de scolarité et enjoint le Ministre de l’Intérieur de rembourser à l’intéressée les sommes qu’elle avait versées au titre du remboursement des frais de scolarité faute d’engagement de servir.

Par ailleurs, concernant les concours de recrutement ouvert pour une affectation régionale en Ile-de-France[4], qui en cas de réussite implique une affectation en région parisienne pendant une durée minimale de 8 années à compter de la nomination en qualité de stagiaire, il a été jugé que cette durée devait être consécutive et que ce n’est qu’à l’issue de ces huit années que l’agent pouvait solliciter un détachement bien que l’article 9 du décret du 9 mai 1995 prévoit un engagement de servir de 4 années et que l’agent en question en avait fait presque 7[5].

En pratique, l’administration émet un titre exécutoire de la somme à recouvrer et un commandement de payer. Ce titre et ce commandement doivent toutefois être suffisamment précis sur les motifs de fait et de droit des sommes à rembourser[6] mais aussi sur le calcul de ces sommes [7] à défaut de quoi l’ancien agent de la police nationale sera déchargé de l’obligation de rembourser les frais de scolarité.

En tout état de cause, l’article 7 de l’arrêté du 5 février 1997 reprenant l’article 9 du décret de 1995 envisage une possibilité d’échapper, totalement ou partiellement, au remboursement mais son interprétation est des plus délicates tellement sa rédaction est floue : “En cas de difficulté personnelle grave, l’élève ou l’ancien élève peut être dispensé de tout ou partie de l’obligation de remboursement de la somme forfaitaire mentionnée aux articles 2, 3 ou 4 ci-dessus, par arrêté du ministre de l’intérieur“.

Reste effectivement à déterminer ce que l’on entend par “difficulté personnelle” (qui ne doit donc pas être professionnelle) et par “grave”, notion floue laissée à la libre appréciation de l’administration, mais qui semble montrer que la dispense de remboursement même partielle ne peut être accordée que dans des cas exceptionnels.

Notons que s’agissant des agents de la police municipale, il existe également un mécanisme de remboursement d’une somme forfaitaire en cas de rupture de l’engagement de servir de 3 ans maximum qui est prévu dans un décret n°2021-1920 du 30 décembre 2021. L’article 4 de ce décret prévoit qu’un motif impérieux permet à l’administration territoriale de dispenser l’agent du paiement de tout ou partie du montant forfaitaire. Le texte précise qu’il s’agit d’un motif impérieux tiré notamment de l’état de santé de l’agent ou de nécessités d’ordre familial. L’agent devra fournir des justificatifs à l’appui de sa demande.

L’on peut imaginer que, par analogie, le ministère de l’Intérieur pourrait s’inspirer de ces motifs applicables aux agents de la police municipale comme motifs fondant une demande de décharge totale ou partielle de l’obligation de remboursement des frais de scolarité par un agent de la police nationale .


[1] Décret n°95-654

[2] Cour administrative d’appel de Versailles, 5 novembre 2010, Jonathan A c/ Ministre de l’Intérieur, n°09VE03208

[3] Cour administrative d’appel de Paris, 7 juin 2016, n°15PA01750

[4] Prévus par l’article 6 du décret n°2004-1439 du 23 décembre 2004 portant statut particulier du corps d’encadrement et d’application de la police nationale

[5] Cour administrative d’appel de Paris, 28 juin 2023, n°22PA02958

[6] Cour administrative d’appel de Marseille, 20 décembre 2007, Sylvain X c/ Ministre de l’Intérieur, n°04MA01940

[7] Cour administrative d’appel de Marseille, 31 mai 2016, n°15MA00458